Puisque Jake Epping semble bien s’amuser dans le passé vu les événements de 2020, je pense qu’il est grand temps de vous parler de 22.11.63. Alors c’est parti pour tricoter des gambettes sur un lindy-hop endiablé !
22.11.63 – Résumé
Imaginez que vous puissiez remonter le temps, changer le cours de l’Histoire. Le 22 novembre 1963, le président Kennedy était assassiné à Dallas.
À moins que… Jake Epping, professeur d’anglais à Lisbon Falls, n’a pu refuser la requête d’un ami mourant : empêcher l’assassinat de Kennedy. Une fissure dans le temps va l’entraîner dans un fascinant voyage dans le passé, en 1958, l’époque d’Elvis et de JFK, des Plymouth Fury et des Everly Brothers, d’un dégénéré solitaire nommé Lee Harvey Oswald et d’une jolie bibliothécaire qui deviendra le grand amour de Jake…
Informations sur l’édition
? Éditions Le Livre de Poche
? 1035 pages
22.11.63 – Avis
22.11.63 est une brique monumentale par le génie Stephen King autour du voyage dans le temps. Commençant en 2011, nous voyageons au côté de Jake Epping jusqu’en 1958 pour agir sur les événements de l’année 1963. Un roman tellement long qu’on a l’impression de l’avoir toujours connu.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, c’est un roman tout en nuance. Stephen King n’idéalise pas une époque par rapport à l’autre, même si la nostalgie est parfois palpable. De vrais éléments économiques, sociaux, politiques, culturels des 50’ et des 60’ sont posés. J’ai d’ailleurs énormément apprécié les tranches de vie des années 1960, bien plus agréable à lire que d’autres passages.
22.11.63 est aussi ancré dans l’œuvre de Stephen King. L’auteur s’offre un petit tour dans Derry à l’époque de l’hibernation de Ça. Il s’amuse à retranscrire l’ambiance lourde et sombre d’un lieu malsain, hanté par un clown meurtrier. Et nous font rencontrer les enfants du club des ratés. Un troublant mélange de réalité et de fiction arrive : Jake Epping aurait-il pu écrire les romans Ça (sous le titre « La Ville Assassine ») ?
Le professeur transporté dans à la fin des années 50 devient aspirant écrivain. En plus d’écrire sur « La Ville Assassine », il retranscrit en manuscrit les mémoires de son voyage temporel. Jake Epping est plus qu’un narrateur, il est l’écrivain qui nous porte vers 22.11.63. Ce voyage et cette reconversion sont l’occasion de poser une réflexion inédite dans un King (du moins selon moi), celle de la vocation professionnelle. Il différencie ce que l’on apprécie faire de ce que l’on est né pour faire.
J’étais Jake Epping, professeur de lycée, j’étais George Amberson, aspirant romancier, j’étais le Jimla, qui à chaque pas qu’il faisait m’était le monde entier en danger.
22.11.63, p.1015, Stephen King
Ce roman gargantuesque offre des réflexions qui donnent à penser. Ces réflexions s’incluent à merveille dans l’intrigue, qui les portent totalement. Mais c’est surtout le choc des époques et des cultures qui enrichit le récit avec l’Histoire. Des moments de pathos très forts sont d’ailleurs liés à ce choc. Bien que le roman commence avec une forte nostalgie des années 1960, qui donne l’impression que tout est plus simple ; la réalité de l’époque et ses manqués font revenir sur terre Jake Epping. J’ai été choquée par la facilité d’accès aux armes à feu à la fin des 50’ débuts 60’. Déçue par la puissance du racisme ordinaire. Dégoutée par la culpabilisation des femmes victimes de violences conjugales et par leur traitement comme des sous-humains.
Je venais d’un monde où les femmes étaient en grande partie traitées comme des égales. Jamais plus qu’à ce moment, 1963 ne m’est apparue comme un pays étranger.
22.11.63, p.727, Stephen King
Mais le thème principal du roman reste le voyage temporel. Le traitement est d’ailleurs hallucinant ! La tentation de réécrire l’Histoire du pays, mais aussi son histoire personnelle ; l’effet papillon que chaque acte a sur le cours de la vie. Le nouveau présent dystopique engendré par les modifications du passé. La folie inhérente aux voyages. Bref, un travail énorme sur lequel King s’est penché ! Néanmoins, quelques que petites incohérences ont subsistée mais sont noyées dans la masse d’une intrigue incroyable !
Parce que le passé s’harmonise et que le passé est tenace.
22.11.63, p.710, Stephen King